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Journal européen d’hydrologie
Volume 31, Numéro 2, 2000
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Page(s) | 127 - 143 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/water/20003102127 | |
Publié en ligne | 19 octobre 2010 |
Le cadmium dans les réseaux trophiques marins : de la source aux consommateurs
Cadmium in marine food webs: from inputs to consumers
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Laboratoire de Biologie et Environnement Marins (E.A. 3168), Université de La Rochelle, Avenue Michel Crépeau, 17042 La Rochelle Cedex
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DDASS Charente Maritime, 2 Avenue Fetilly, 17000 La Rochelle
Le Cd est un polluant rémanent présent naturellement dans notre environnement. Les apports dûs aux activités anthropiques ont été estimés à environ 500 000 T depuis 1817. Par le jeu des flux géochimiques, une grande partie de ce Cd atteint le milieu marin où ce métal est bioaccumulé par les organismes vivants. Afin d'évaluer le risque toxicologique encouru par les prédateurs supérieurs, homme compris, consommateurs de produits marins contaminés par le Cd, nous nous sommes intéressés à deux écosystèmes soumis à des apports chroniques de ce métal. 1) Les côtes de Charente-Maritime sont soumises à une pollution diffuse en Cd à partir de la Gironde. L'étude des concentrations en Cd de plus de 110 espèces collectées sur ce littoral montrent que seules certaines espèces appartenant toutes à l'embranchement des mollusques concentrent fortement ce métal. L'apport de Cd dû à la consommation de ces espèces qualifiées d'hyperbioaccumulatrices a été estimé pour les habitants de Charente-Maritime et comparé à la Dose Hebdomadaire Tolérable de 7 μg/g de Cd/kg corporel défini pour l'homme par le JECFA. Bien que non négligeable, ces apports restent inférieurs à la DHT. Les pétoncles sont les organismes susceptibles de transférer les plus fortes quantités de Cd. Les normes mises en place par la Commission Européenne qui interdit la consommation de coquillages dont les concentrations en Cd dépassent 5 μg/g de poids sec protégent les consommateurs. En effet, dans notre zone, ces concentrations sont dépassées, notamment pour les huîtres, seulement dans l'estuaire de la Gironde où du fait de la contamination par le Cd, toute consommation de coquillages est interdite. C'est la seule zone de Charente-Maritime où nos calculs montrent que la consommation de coquillages pourrait induire chez les gros consommateurs un dépassement de la DHT. 2) Les zones polaires sont soumises à un enrichissement naturel de Cd. Dans ces environnements, les céphalopodes qui concentrent très fortement le Cd dans leur glande digestive, nous y avons mesuré des concentrations atteignant près de 400 μg/g de poids sec, sont les principaux responsables du transfert de ce métal vers les prédateurs supérieurs, mammifères marins et oiseaux de mer qui les consomment. Chez ces espèces, le Cd se concentre très fortement dans le foie et les reins. La prise hebdomadaire de Cd à partir des céphalopodes a, par exemple, été calculée pour les globicéphales noirs des Iles Féroé. Elle est de 7 à 100 fois supérieures à celle qui a été montrée provoquer des désordres métaboliques chez l'être humain. De ce fait, la question se pose du risque toxicologique encouru par ces prédateurs. Il est probable, qu'exposés depuis de longues périodes au Cd ces animaux ont développé des processus de détoxication du Cd qui les protège de cette imprégnation. Néanmoins, la découverte de granules enrichis en Cd dans les tubules rénaux de delphinidés des Iles Féroé présentant de fortes concentrations en Cd dans leurs reins relance cette problématique. Parmi les polluants, le Cd doit être particulièrement surveillé dans notre environnement. En effet, du fait de sa présence naturelle dans notre alimentation, la Dose Hebdomadaire Tolérable pour cet élément peut être rapidement atteinte en cas d'apports anthropiques supplémentaires.
Abstract
Cd is a remanent pollutant. Actually, we consider that about 500,000 T of Cd have been disseminated in the environment. Because of the geochemical fluxes, the marine environment is contaminated by Cd which ail marine organisms are able to accumulate in their tissues. In this paper, we try to estimate the toxicological risk due to the consumption of Cd contaminated sea foods by top predators including human consumers. In this aim, we studied two different ecosystems where chronic Cd inputs are known to exist. 1) The coastal sea water of Charente-Maritime are Cd enriched by chronic inputs from the Gironde river. In this area, Cd concentrations have been measured in about 110 benthic marine species collected in the intertidal area. Some mollusc species only showed high Cd concentrations that is mainly dogwells, scallops and oysters. These species may be qualified of "Cd hyper bioaccumulated species". The Cd intake due to the shellfish consumption has been assesed by the Cd concentrations found in the species commonly eaten by human and has been compared with the Cd Provisional Tolerable Weekly Intake (PTWI) of 7 μg/Kg defined for man by the JECFA. The Cd intakes are not negligible but remain lower than the PTWI. The higher Cd concentrations are transfered to human consumers by the scallops. The limit of 5 μg/g dry weight of Cd has been defined by the European Council for the autorisation of shellfish consumption and protects the consumers. Along the Charente-Maritime coasts, the higher Cd concentrations are incountered in oysters collected in the Gironde estuary where shellfish collection is, by the way, forbiden for 1986. Thus, the Gironde estuary is the unique area of Charente-Maritime where our calculations show that the Cd PTWI could be exceeded for very high shellfish consumers. 2) Polar areas are naturally Cd enriched. In these areas, cephalopods show very high Cd concentrations, mainly in their digestive gland. In this organ, Cd concentrations as high as 400 μg/g dry weight have been measured. Thus, in polar areas, cephalopods are responsible for the main transfer of Cd to top marine predators (seabirds and marine mammals) which exhibit high Cd concentrations in liver and kidney. As an example, the weekly intake of Cd has been calculated, for the pilot whales of the Faroe Island. It appeared to be 7 to 100 times higher than intake which is known to induce metabolic diseases in human. A recent study which has shown the presence of Cd enriched granules in the kidney tubules of delphinids collected off the Faroe Islands raises the toxicological risk incured by marine predators, although these organisms which have been exposed for long time to these natural inputs of Cd have probably developped intracellular mechanisms of Cd detoxication. Among pollutants, Cd should be particulary controlled in the marine environment, since because of a natural Cd contamination of our food, the PTWI may easly reached in the case of an anthropogenie input.
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